« En stage, je suis invisible... » : comment renverser la tendance ?

21 oct. 2021

6min

« En stage, je suis invisible... » :  comment renverser la tendance ?
auteur.e
Caroline Roux

Journaliste freelance

Vous venez de débuter votre stage, motivé par l’envie d’apprendre et plein de bonne volonté, mais rapidement, c’est la désillusion : dès les premiers jours, vous comprenez que vous allez osciller entre la machine à café, la photocopieuse, et les déjeuners en tête à tête avec… vous-même. Bref, vous êtes transparent. Sachez que vous n’êtes - malheureusement - pas le seul à faire face à cette situation déplaisante. Pour vous aider à sortir de l’isolement, nous avons interrogé Marine Parnet-Geille, coach professionnelle et donné la parole à des étudiants qui ont connu cette galère.

SOS stagiaires en détresse

Toujours intimidant, le stage est un moment clé de la carrière mais peut rapidement prendre une tournure désagréable. Certains stagiaires se sentent, en effet, parfaitement invisibles au sein de l’entreprise qui les accueille…

Mathilde, 23 ans, en a fait la mauvaise expérience à l’occasion de son stage de fin d’études. Alors qu’elle intègre une agence de relations presse pour une durée de six mois, elle déchante rapidement. « Mon stage s’est résumé à des missions creuses et sans intérêt », confie cette dernière, qui se souvient également d’un grand mépris de la part de la directrice de l’agence « qui ne connaissait même pas mon nom, demandait à ma collègue de m’envoyer chercher du café alors que j’étais dans la pièce, et ne m’adressait jamais directement la parole, même dans un endroit aussi exigu que l’ascenseur. » À Bac+5, il s’agit de son stage de fin d’études, qui devrait lui ouvrir l’accès à un futur emploi, mais elle est mise de côté. « Je n’étais évidemment jamais conviée aux événements avec les journalistes, je n’ai jamais assisté à un petit-déjeuner presse, ou autre manifestation de ce genre qui constitue la base même du métier », regrette-t-elle.

Même son de cloche chez Camille, étudiante en école de communication. Pendant sa quatrième année d’études, elle décroche un stage de six mois en qualité de community manager dans le milieu de l’événementiel. Après des débuts prometteurs, c’est le confinement de mars qui vient menacer ses plans : « Je me suis rapidement retrouvée isolée, sans directive claire, avec des missions ingrates, et complètement livrée à moi-même. Mes questions restaient sans réponse, personne ne m’aiguillait et j’en payais les pots cassés par la suite, essuyant des remarques désobligeantes de mon tuteur puisque le travail prenait logiquement du retard… Et puis en télétravail, impossible de tisser des liens pour rattraper le tout… »

De son côté, Paul, 24 ans, étudiant en école de commerce, a connu le vide relationnel et un environnement de travail particulièrement inhospitalier. « Après avoir obtenu un stage dans une entreprise majeure du domaine de la tech, mon enthousiasme a rapidement laissé place au malaise, quand j’ai intégré cet open space particulièrement maussade », explique ce dernier. Laissé pour compte, snobé, l’étudiant est rapidement confronté à l’indifférence de ses collègues, « personne ne me disait bonjour le matin, on passait devant moi sans m’adresser le moindre regard, j’avais l’impression de ne pas exister », déplore-t-il. Même constat à l’heure de la pause déjeuner : « Tout l’open space se vidait progressivement, mais personne ne daignait jamais me proposer de me joindre à eux. J’ai dû me résoudre à manger seul », raconte l’étudiant froissé.

Alors comment s’extirper de telles situations ? Même si la condition dans laquelle vous vous trouvez paraît sans issue, certains recours restent possibles. Marine Parnet-Geille, coach professionnelle et Margot, une ancienne étudiante qui a déjà été confrontée à ce problème nous donnent leurs conseils pour sortir de l’ombre.

L’anticipation est la clé !

Avant même que la situation ne se dégrade, certains gestes simples peuvent favoriser votre intégration au sein de l’entreprise…

Observez votre environnement

On ne rappellera jamais assez l’importance de la première impression. « Beaucoup de choses se jouent dès les cinq premières secondes, explique Marine Parnet-Geille. Votre entrée en matière « impactera toute la suite de la collaboration. » Posez-vous ces quelques questions : quelles sont les habitudes de l’entreprise ? Quel est le ton dominant ? Sérieux ou décontracté ? Développez ainsi votre “savoir-être” en observant votre environnement les premiers jours et en vous adaptant aux codes de la structure tel un caméléon.

Être coopératif et proactif

Prendre les choses en main est un bon moyen de ne pas « subir » son stage. Pour ce faire, Marine Parnet-Geillet conseille de « montrer en début de parcours que vous savez faire preuve de bon sens. Commencez par exemple par prendre des petites initiatives. » La proactivité est donc encouragée. « Ce positionnement vous permettra de gagner la confiance de vos collègues qui seront plus enclins à vous confier des tâches plus complexes par la suite », affirme notre experte. Si vous participez à une réunion, proposez par exemple de prendre des notes, ou de faire un compte-rendu. D’une part, vous vous rendrez utile, et d’autre part, vous enverrez un signal positif. N’oubliez pas également la communication non-verbale, l’attitude est réellement primordiale. « Cela passe par la posture ou encore le sourire », soutient notre coach.

Et si vous avez un peu de mal à prendre des initiatives, montrez vous curieux ! Vous témoignerez ainsi de votre implication, mais cela vous permettra aussi de mieux cerner votre mission. « Interrogez votre tuteur, créez un lien avec lui, posez les bonnes questions, qui peuvent aller de l’écosystème de l’entreprise au déploiement des nouvelles activités », détaille Marine Parnet-Geille. C’est également un bon moyen de se socialiser au sein de l’entreprise.

Prendre part aux temps informels

Le travail est une activité sociale. Il est donc essentiel de participer aux événements de l’entreprise, « qui permettent d’ancrer un lien différent, selon notre experte. Allez boire un café dans l’espace dédié, participez à quelques activités extra professionnelles, favorisez des small talks, rendez-vous aux afterworks. Cela permet d’exister en tant que personne et non en tant qu’employé. En stage, ce sont vos capacités comportementales qui priment à défaut de votre expertise professionnelle. »

Dans l’ombre malgré tout ? Que faire ?

Vos efforts n’ont pas porté leurs fruits ? Margot, étudiante au sein d’un IEP qui a su renverser la tendance dans son précédent stage, nous explique comment redresser la barre.

1. Communiquez sur vos besoins

Vous êtes en proie au désarroi ? Ne vous laissez pas abattre et prenez la parole. Margot recommande dans un premier temps « de prendre rendez-vous avec son/sa tutrice pour exposer les difficultés et les non-dits ». En effet, votre responsable en entreprise est aussi là pour s’assurer de votre bien-être et doit constituer votre interlocuteur privilégié. Pour faire votre retour, sollicitez le/la pour un point ensemble et exprimez votre ressenti à l’aide du “je” (à l’inverse du “vous” qui peut donner un air accusateur). Si vous ressentez un mal-être, rien de mal à l’exprimer : « Je me sens un peu isolé », « J’ai du mal à me sentir intégré »…

Si vous n’êtes toujours pas entendu après cela, « passez la deuxième et contactez votre enseignant référent », abonde l’étudiante. Ce dernier aura un rôle de médiateur entre vous et l’entreprise et vous pourrez lui exposer la situation en toute transparence. Peut-être pourra-til vous aider à prendre une décision ou à trouver les bons mots pour communiquer avec votre maître de stage ?

2. Confiez-vous à une personne de confiance

« Si vous vous sentez esseulé, essayez de trouver une tierce personne, un allié, à qui parler au sein de l’entreprise », suggère Margot. Il existe sûrement une oreille attentive vers qui vous tourner, « que cela soit auprès d’un collègue d’un autre département, un autre stagiaire, ou bien directement de la personne en charge des ressources Humaines », propose cette dernière. Non seulement vous vous sentirez soulagé mais cela vous permettra aussi de sortir de votre autarcie et même de bénéficier de conseils de personnes qui comprennent parfaitement votre environnement et la manière dont il fonctionne.

3. Rompre sa convention de stage

Si la situation ne s’améliore pas, vous pouvez toujours interrompre votre stage en dernier recours.La convention de stage prévoit des modalités de rupture à l’amiable sur la base d’un commun accord entre vous et l’entreprise. Il faut, par ailleurs, vous assurer au préalable de l’accord de votre école, avec qui vous déciderez d’une solution alternative : trouver un autre stage ou écrire un mémoire par exemple. Certes, vous passerez peut-être à côté d’une opportunité… Mais laquelle ? Si vous ne vous épanouissez pas au sein de l’entreprise, il y a peu de chances que vous vous développiez comme vous le souhaitez. À vous de vous poser les bonnes questions et de déterminer si cette expérience vous apporte vraiment quelque chose.

4. En tirer les bonnes leçons

Enfin, il faut vous enrichir de vos expériences et en tirer des enseignements. Même si un stage rempli d’obstacles est difficile à vivre, cela reste une épreuve particulièrement formatrice qui vous permettra d’affiner votre projet professionnel, de mieux appréhender les difficultés relationnelles au bureau, ou de tout simplement vous faire gagner en maturité. Peut-être qu’à l’avenir, cette expérience vous permettra de mieux cerner le type d’entreprise dans lequel vous souhaitez évoluer ? Une chose est certaine : vous en sortirez grandi… Même si vous ne vous en rendez pas encore compte !

(1) Tous les prénoms ont été modifiés

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Édité par Gabrielle Predko
Photo Thomas Decamps

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